Communauté juive de Héricourt
Cette communauté juive aujourd’hui éteinte, fut ce que furent toutes les communautés juives rurales de l’Est de la France ; marchands de bestiaux pour la plupart, colporteurs allant de ferme en ferme, fournisseurs aux armées.
13 familles - 43 familles recensées le 15 octobre 1940 -
Création de l’association cultuelle Israélite, le 19 octobre 1906, composée de 44 membres. (Journal Officiel, jeudi 25 octobre 1906) au 29 faubourg de Belfort, actuellement au 29 avenue Léon Jouhaut. Dans la Maison de Monsieur James Schwob [1], industriel, élu du Canton d’Héricourt, qui a vendu la propriété à l’association.
Familles Blumstein - Feibelmann - Ducas - Bruschwig - Grumbach - Meyer - Haguenauer - Gensburger - Bloch - Bushbaum - Levy -
Tiré de "Héricourt sous l’occupation" de Pierre Haas, Directeur d’Ecole -
« (...) 7.2.1942. Nous recevons une note enjoignant aux fonctionnaires ayant des noms à consonance hébraïque de se justifier, faute de quoi ils seront suspendus (ensuite pendus probablement). (...) 13.7.1942. Deux nouvelles arrestations ont été opérées en ville, la mère et le fils, sujets juifs. On prétend qu’ils ne portaient pas assez ostensiblement l’étoile de David. (...) 9.10.1842. Les Allemands ont arrêté et emmené tous les juifs étrangers d’Héricourt, des Polonais, en général. Ils ont traité ces malheureux comme du bétail. On croit qu’ils seront dirigés sur le camp de concentration de Drancy, car il ne convient pas à la race des seigneurs de coudoyer des individus de race si inférieure. Parmi les soldats en caserne, il y a précisément un certain nombre de Polonais, qui avaient primitivement été désignés comme travailleurs en Allemagne. On leur fit ensuite l’honneur de les élever à la dignité de combattants allemands, sans les consulter. En vertu de quoi ils furent revêtus de l’uniforme feldgrau. Cependant, la race est la race, on ne peut la changer. Et bien que l’habit fasse le moine, ces Polonais ne sont pas devenus des seigneurs. Ceux-ci commandent ; eux, obéissent. (...) 22.2.1944. Aujourd’hui ont été rassemblés à la mairie, les juifs restant à Héricourt, sauf quelques-uns pourtant qui sont parvenus à s’échapper. Ils ont ensuite été transférés à l’école maternelle du faubourg, où de nombreux amis et connaissances compatissants leur sont venus en aide. Ils ont enfin été poussés vers des camiions et dirigés sur Drancy où les plus mauvais traitements les attendent. »
Raffles des 12 juillet 1942 - 9 octobre 1942 - 24 février 1944 - 27 arrestations - Destinations : Auschwitz et Dachau. Morts en déportation : Brunschwig Reine, Buschbaum Lucien (de métier Boucher), Grumbach Arthur, Grumbach née Bloch Reine, Haguenauer Abraham, Haguenauer née Meyer Reine, Meyer Adolphe, Meyer née Levy Cécile, Meyer Lucien, Meyer née Huser Jeanne.
Héricourt compte parmi ses habitants, des "Justes parmi les nations"
- Roger METIN :
“Sur les traces des Ulmann”
« Depuis 1943, Andrée Berthel, agent de liaison de Magny-Vernois en Haute-Saône, s’interrogeait encore sur l’étrange disparition d’une famille juive qu’elle devait aider à fuir [2] Le château de Vy-Lès-Lure en Haute-Saône renfermerait-il à tout jamais son terrible secret ? c’eut été probable sans l’intervention d’un lecteur belfortain. Roger Métin, 62 ans aujourd’hui, se rappelle de tout :
“J’ai la mémoire des noms”, reconnaît-il. En l’occurance, il nous donne celui de la famille : Ullmann. Et des trois enfants : René, 12 ans, Huguette, 9 ans, et André, 5 ans.
Andrée Berthel devait les amener en Suisse, via un passeur. A son arrivée, dans la nuit, plus personne. "Seules des tables et des chaises renversées pouvaient témoigner d’éventuelles traces de lutte", avait-elle remarqué. "Monsieur Ulmann était dans la cour lorsqu’il a vu les Allemands arriver". raconte Roger Métin. [3] "Il s’est alors enfui dans les bois, laissant à René le soin de dire à sa mère qu’il allait en Suisse chez son frère." Par colère, les Allemands auraient saccagé la belle bâtisse. Reine Ulmann, seule avec ses trois enfants, se réfugie chez ses parents à Héricourt. Avant de tenter de passer à son tour en Suisse. "Mais elle a eu affaire à un passeur véreux qui l’a livrée aux Allemands." Elle se retrouve ainsi à la Kommandantur de Montbéliard. L’idée de venir en aide aux enfants, cantonnés dans la cour, vient naturellement à Roger Métin. Il entame une partie de foot qui conduira les enfants Ulmann à l’abri. Les jeunes sont cachés. On leur fabrique de faux papiers. Leur nouveau nom ? Dupont.
Ils parviendront à rejoindre leur père. La mère n’est malheureusement jamais revenue d’Auschwitz. Aujourd’hui, Huguette est journaliste à Paris-Match, René et André sont avocats, l’un à Strasbourg, l’autre bâtonnier à Paris. » Roger Métin mérite sans doute d’être distingué.
- Louis FELTEN et son épouse Jeanne Degremont Parmi les 21308 Justes français dont 54 gendarmes français ayant reçu la distinction de "Juste parmi les nations" délivrée par l’Etat d’Israël par le Musée Yad Vashem, figure désormais - depuis le 8 juillet 2010 - Louis Felten, gardien de la paix à Héricourt durant l’occupation allemande et son épouse Jeanne Degremont. Ils avaient recueilli à leur domicile à Héricourt, de parents belfortains (raflés, déportés et morts à Dachau) Yvan Rueff, du 5 février au 28 août 1944. En août 1944, Yvan Rueff a rejoint le maquis du Lomont. Son épouse raflée à son tour, était parvenue à sortir du camp de Drancy, prouvant qu’elle n’était pas juive.
Quant à Louis Felten, né en 1913 à Guebwiller, était devenu gardien de la paix en 1942 et avait pris son poste en 1943 à Héricourt. Depuis le 25 juin 1943 il faisait partie du groupe de Résistance OCM région D2, section Doubs Lizaine. Ses chefs furent élogieux à son endroit, Charles Jeand’heur (le Vieux trappeur), Marcel Elion, Charles Demougeot. Louis Felten participe à de nombreuses actions - coups de main, réception de parachutages, transports d’armes, de blessés, sabotages à l’explosif. Fourniture de faux papiers à des fugitifs. Renseignements grâce à sa maitrise de l’allemand - Louis Felten est arrêté le 11 septembre 1944 par Walter Menzel, chef de la Gestapo d’Héricourt. Il est déporté à Heilbronn, il est libéré en mai 1945, retrouve sa famille et reprend du service jusqu’à son départ à la retraite en 1968.
C’est après une longue enquête débutée en 2006 déclenchée par sa fille Jeanine Sainsimon-Felten qui a pu réunir tous les documents de preuve permettant au Consul d’Israël Gilbert Roos de procéder à Strasbourg, au nom de l’Etat d’Israël, à la remise de la médaille et du diplôme de "Justes parmi les nations", à Louis et Jeanne Felten. Leur nom sera inscrit dans la Vallée des Justes au Mémorial Yad Vashem à Jérusalem. Source : article de Claude Raymond, Le Pays BHM, du 9 juillet 2010.
La commune d’Héricourt commémore chaque année, le 17 juillet, le souvenir de la Rafle du Vel d’Hiv, par une cérémonie officielle suivie d’un verre de l’amitié. Cette cérémonie donne lieu à un émouvant et marquant discours de la part du Préfet de Haute-Saône et du Maire de la ville.
Que reste-t-il à Héricourt du passé juif ?
Il ne reste aujourd’hui du passé juif d’Héricourt, quelques initiales en ferronnerie sur des portes et portails de certaines maisons ; une Mezzuzah oubliée sur le montant du portail de la Maison de James Schwob qui servit de lieu de prières, avenue Léon Jouhaut. Il reste une parcelle de terrain privée où se dresse un caveau familial vide avec les initiales. Il reste les vestiges de l’usine des Schwob d’Héricourt qui employait jusqu’à mille personnes et le village ouvrier qui les logeait. Une des anciennes employées m’a confié un jour que le mobilier familial aurait été distribué après guerre, aux ouvriers et aux cadres de l’usine selon le souhait de André Schwob d’Héricourt.
L’histoire des Juifs de Héricourt ne serait pas complète sans évoquer le souvenir de la famille Schwob qui accola d’Héricourt pour se distinguer des nombreuses familles schwob.
"Edmond Schwob et Mr André Schwob étaient de la même famille, nés à Lure. André Schwob fut maire d’Héricourt le 11 mai 1911. La famille Schwob d’Héricourt a joué un rôle considérable dans l’industrie textile en France."
Lien à à consulter : Article Edmond Schwob, par "Franck d’Almeida", publié le 01/06/12 dans le Picardia, l’encyclopédie picarde.
Commentaires (fermé)